Parmi les 5 dispositifs, et en partenariat avec Helvartis (la centrale suisse des entreprises d’entrainement), le programme a développé les entreprises d’entraînement, dispositif inspiré du modèle Suisse des entreprises de pratique commerciale, qui répond à la fois aux besoins des diplômés et des étudiants, des apprentis et des employeurs tunisiens.
Dans cette interview, Faten Banaouas, directrice du ReeT (Réseau des entreprises d’entraînement de Tunisie), explique le contexte, parle des avantages pour les entreprises, mais aussi des défis d'un système d'intégration professionnelle très efficace.
Faten Banaouas, directrice du ReeT (Réseau des entreprises d’entraînement de Tunisie), explique le contexte, parle des avantages pour les entreprises, mais aussi des défis d'un système d'intégration professionnelle très efficace.
Qu'est-ce que ReeT a réalisé en Tunisie ces dernières années ?
Le ReeT a mis en place une nouvelle possibilité de perfectionnement pour l’insertion professionnelle des jeunes diplômés en Tunisie. Il a adapté le concept des « entreprises d’entraînement » à la Tunisie pour offrir des formations pratiques « on the job training » très performantes de 3 mois, dans un environnement correspondant aux exigences réelles des employeurs tunisiens.
Aujourd’hui, le ReeT compte 7 entreprises d’entraînement dans 3 gouvernorats. Ces entreprises ont déjà permis l’insertion professionnelle de plus de 1 000 diplômés recrutés par 580 entreprises dont de grands labels tunisiens. Vu les bons résultats (82% de taux d’insertion), nous sommes en train de créer d’autres entreprises d’entraînement pour les prochains mois.
En plus de cela, le ReeT forme actuellement plus de 860 étudiants au sein d’instituts supérieurs d’enseignement supérieur et de formation pour améliorer leur employabilité et les préparer à leur entrée dans le monde du travail.
Qui en a bénéficié concrètement ?
Les bénéficiaires sont les jeunes diplômés demandeurs d’emploi, mais aussi les étudiants pour les préparer à entrer dans le monde du travail.
Les entreprises d’entraînement sont également un véritable « service aux entreprises » et une réponse innovante aux besoins des employeurs, confrontés en Tunisie à un turn-over très important des jeunes professionnels. En proposant des jeunes certifiés « prêts à l’emploi », elles permettent de réduire considérablement le risque du recrutement, tout en facilitant et en réduisant la durée de l’intégration des jeunes dans l’entreprise.
Lequel des trois modèles* d’entreprise d’entraÎnement était le plus important ou le plus performant et pourquoi ?
Les trois modèles sont performants selon les groupes cibles et les objectifs qu’ils visent.
Les EEI sont un modèle de formation interne utilisé sous différentes formes par de grandes entreprises notamment dans des secteurs comme les assurances, etc.
En raison du fort taux de chômage, qui ne cesse d’augmenter en Tunisie avec la crise sanitaire et la crise économique depuis la révolution, les EE pro sont un modèle très approprié pour lutter efficacement contre le chômage, notamment des jeunes, mais aussi des femmes en reprise d’activité, etc. dans le cadre des mesures actives d’insertion professionnelle.
Les EEP, intégrées à des instituts universitaires ou de formation publics ou privés, ont également beaucoup d’intérêt pour préparer les futurs diplômés à la « vie en entreprise » et à leur entrée sur le marché du travail, sachant que les compétences pratiques et les soft skills comportementaux sont généralement peu développés dans la formation initiale en Tunisie.
Est-ce que les entreprises commerciales ou de service en Tunisie ne pourraient pas faire des contrats d’apprentissage ou de stage avec les jeunes et les former elles-mêmes ? Pourquoi faut-il passer par des entreprises d’entraînement ?
Les EE sont plutôt une alternative aux stages et à l’apprentissage. Une entreprise bien structurée disposant d’une véritable politique de RH peut parfaitement former ses jeunes à l’interne. Néanmoins, toutes les entreprises ne sont malheureusement pas en mesure de la faire, surtout les PME.
De plus, la formation n’est pas la même que celle acquise dans le cadre d’un apprentissage ou d’un stage. L’encadrement y est plus développé, et le contexte est plus favorable à « l’apprentissage par l’erreur ». Sachant que beaucoup de jeunes au chômage sont fragilisés et en manque de confiance, ils seront mieux accompagnés dans une entreprise d’entraînement, dans un milieu protecteur, et par des professionnels exclusivement dédiés et formés à cela.
Quel est l'intérêt et l’avantage pour les entreprises ?
L’entreprise peut déléguer la formation de ses nouvelles recrues à l’entreprise d’entraînement et ainsi réduire le coût de la formation en interne. Elle peut également recruter des jeunes formés en pratique à l’utilisation des processus et des outils standards utilisés spécifiquement par les entreprises dans le pays.
L’accent mis sur les « softs skills » comportementaux correspond aussi à la demande unanime des employeurs tunisiens.
Pourquoi les accréditations sont-elles importantes pour les jeunes / pour les entreprises ?
La certification garantit la qualité constante des formations et la crédibilité des entreprises d’entraînement. Le « label suisse » est aussi très apprécié, tant par les jeunes, les employeurs, que sur le marché du travail en général.
Comment les participants sont-ils évalués ?
Les référentiels de certification sont définis par le ReeT selon les besoins des recruteurs et de l’économie tunisienne.
La certification – que nous délivrons sans complaisance selon une procédure formelle – permet d'attester de la performance et des compétences démontrées par les jeunes en situation de travail. Les personnes formées sont évaluées de manière continue sur la base, d’une part, de résultats de rendement à atteindre ; et d’autre part, sur la base d’objectifs pédagogiques définis individuellement avec le jeune à former. Cette méthode permet notamment de responsabiliser le jeune et de développer sa capacité d’auto-apprentissage et d’auto-évaluation (réflexivité).
Quels sont les plus grands défis ?
Le plus grand défi reste l’ancrage institutionnel et la pérennisation du dispositif des entreprises d’entraînement.
La mise en place d’un cadre de collaboration entre l’Agence National de l’Emploi et du Travail Indépendant (ANETI) et le ReeT pourrait permettre d’étendre le dispositif. Ce partenariat offre une voie et un moyen d’investir efficacement et de manière concrète dans l’emploi, de réduire l’exclusion et le taux de chômage. Par conséquent, c’est un moyen d’augmenter l’employabilité d’un nombre important de diplômés et demandeurs d’emploi dans diverses régions de la Tunisie.
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Entreprises d’entraînement professionnelles « ee pro » exclusivement dédiées à l’insertion professionnelle des jeunes diplômés.
Entreprises d’entraînement pédagogiques « eep » destinées à offrir aux étudiants et stagiaires un complément de formation initiale pour les préparer à l’entrée sur le marché du travail et améliorer leur employabilité.
Entreprises d’entraînement intégrées « eei », destinées à permettre aux entreprises de répondre à leurs propres besoins de recrutement en se dotant d’un centre d’apprentissage et de formation « sur mesure ».